Histoire de la fondatrice

Histoire de la fondatrice

Très tôt dans mon enfance, j’ai vécu une longue période de maladie. J’ai encaissé coup sur coup la varicelle et la mononucléose. Je ne sais pas si ce sont les effets secondaires des médicaments, l’obligation de cesser toutes les activités qui mettaient du bonheur dans mon enfance (judo, danse, patinage artistique) ou si ce sont toutes les émotions vécues, mais à la suite de cet épisode, mon poids a augmenté considérablement. 

Ma grand-mère, inquiète, a insisté pour que je vois une diététiste et ma mère, qui voulait bien faire m’a mise à mon premier régime. J’avais 9 ans.  Elle mesurait même la cuillère de beurre d’arachide que je mettais sur ma tranche de pain. Ce fut le début du commencement… de mes troubles de comportements alimentaires.

Mon combat contre la maladie.

Mon surplus de poids est demeuré jusqu’à l’adolescence, bien que j’aie tout de même réussi à en perdre plus de la moitié. En fait, jusqu’à ce que je découvre le pudding Nutridiète au chocolat et que j’en mange trois fois par jour sur une période de deux mois. J’ai passé toute mon adolescence en contradiction alimentaire, à surveiller ce que je mangeais en alternance avec les périodes de boulimie. La danse et l’activité physique étaient mon échappatoire et me permettaient de faire la transition entre mes deux pôles. 

Mes études et mon cheminement de carrière dans la vingtaine ont été composés de grandes périodes de jeûne. Je ne buvais que de l’eau. Le plus long jeûne a duré 10 jours.  Je devenais si faible que je sentais mon cœur s’accélérer au simple effort de lever les bras. En période de boulimie, je pouvais prendre jusqu’à six livres en une seule journée. Mes relations amoureuses et mes finances ont beaucoup souffert de mon obsession face à mon poids.  

À cette époque, les médias parlaient déjà de l’anorexie en décrivant un stéréotype : une jolie fille perfectionniste, avec une grande force de caractère, disciplinée, déterminée, voir entêtée, qui souhaite de réaliser ses objectifs et sa carrière. 

Au début de la trentaine, j’ai troqué mes collants de danse pour un tailleur de femme d’affaires : de la danse à la gestion et de professeur de danse à conseillère en insolvabilité. Même si le développement de ma nouvelle entreprise progressait et que j’atteignais mes objectifs d’affaires, je n’ai jamais cessé de pratiquer la danse. Au contraire, je la pratiquais intensément afin de maintenir mon poids.  

 Besoin d’une pause

À 38 ans, pour des raisons personnelles et professionnelles, j’étais essoufflée. J’ai pris la décision de faire une pause de trois mois… Une pause de régime et de contrôle de poids. Plus de régime, plus d’entraînement, plus de casse-tête. J’ai ouvert la « valve »! Quel bonheur de faire l’épicerie sans regarder les calories. Quel bonheur de manger tout ce que tu veux, à l’heure que tu veux! Quel bonheur de ne plus avoir à regarder les yeux de son amoureux pour se sentir belle!  J’étais grosse et célibataire, mais la liberté de manger ce que je voulais n’avait pas de prix.

Je suis passée de 105 livres à plus de 200 en une année.  Il aura fallu quatre ans et 142 livres en plus pour que je comprenne que mon corps ne suivait plus. Mes chevilles brûlaient, mes pieds et mes genoux me faisaient souffrir et mon cœur s’accélérait au moindre effort. J’étais aux prises avec des problèmes de cholestérol sans compter que j’étais à la limite du diabète et que ma pression artérielle était au plafond.  J’avais de la difficulté à monter et à descendre les escaliers, à m’habiller et à prendre place dans mon véhicule. 

À 42 ans, j’ai fait une crise d’angine. Le cardiologue m’a dit : « Tu en as profité pendant plusieurs années, mais si tu ne veux pas mourir dans 5 ou 10 ans, tu dois faire des efforts ». Alors, comme j’ai cette personnalité du « tout ou rien », je me suis reprise en main. Mon objectif était de perdre 129 livres en un an et demi. Alors, après mon opération de sleeve gastrique et 16 mois d’efforts, je pesais un peu moins de 110 livres. 

Beaucoup de gens pensent que la sleeve gastrique et toutes les chirurgies de l’obésité sont des interventions miracles, mais c’est bien loin de la réalité. Il s’agit plutôt d’un outil permettant d’amorcer une perte de poids, mais ce n’est pas une solution définitive. Il est en effet très facile de manger un peu plus chaque jour et ainsi d’étendre la poche de l’estomac pour manger de nouveau comme on le faisait auparavant et de reprendre rapidement le poids perdu. Maintenant, je sais… 

 Mirage

Malgré ma perte de poids de 134 livres, mes efforts et ma souffrance n’étaient pas terminés. J’ai dû faire face à un autre problème : le surplus de peau. Deux ans plus tard, je me suis donc retrouvée de nouveau en salle d’opération (intervention chirurgicale de douze heures, et cinq mois de récupération). Bien que personne ne puisse se douter que j’ai déjà fait osciller la balance à 242 livres, le souvenir restera gravé à jamais sur mon corps par les cicatrices. 

Non, pas encore!

J’ai perdu du temps, de l’énergie, beaucoup d’argent et j’ai vécu de grandes souffrances car quatre ans plus tard mes deux meilleures amies, la nourriture et la solitude, sont venues à ma rescousse pour m’aider à combattre les effets indésirables de la ménopause, et… j’ai regagné plus de 100 livres. Cet embonpoint engendrait des douleurs constantes parce que mes cicatrices s’étiraient. J’étais si découragée, triste et en colère contre moi-même! Moi qui avais toujours plein de projets malgré cette maladie, je n’avais plus envie de rien. Je me sentais glisser, je n’en pouvais plus. J’étais épuisée! Je pleurais tous les jours et je ne voulais plus voir personne. Comment avais-je pu descendre si bas?

Terminé les régimes!

Maintenant, je sais… Je sais que je ne gagnerai pas contre mon corps. J’ai fait un grand bout de chemin et j’ai beaucoup travaillé sur la gestion du stress et de mes émotions. Je vais beaucoup mieux, mais c’est un travail de toute une vie. Depuis plus de cinq ans, je n’ai pas fait « d’orgie de bouffe » et j’ai arrêté les régimes. Finis les interdits. Je prône maintenant l’égalité de tous les aliments. 

Que je sois mince ou obèse, ma souffrance restait la même. La différence, était dans le regard des autres. Mon constat : minceur ne rime pas nécessairement avec bonheur. Par contre, en vieillissant, je me rends compte que le risque d’être malade et de mourir jeune est beaucoup plus important chez les personnes obèses. 

Après avoir beaucoup cheminé, j’ai accepté de subir une opération bariatrique expérimentale avec le Dr Michel Gagner, un chirurgien de renom. Si j’ai décidé de créer une fondation et, par la suite, une maison pour les personnes souffrant de troubles alimentaires, c’est pour aider ceux qui souffrent comme j’ai souffert. Participer à la recherche pour que les opérations gastriques soient les moins invasives possibles fait aussi partie de la mission que je me suis donnée.

L’anorexie, la boulimie et l’hyperphagie font partie pour toujours de mon histoire. Elles sont encore mon combat, mais un combat de moins en moins difficile. 

Maintenant que les régimes sont derrière moi et que j’ai beaucoup cheminé dans le contrôle de mes émotions, je sens un baume sur mon cœur en pensant qu’au cours des prochaines années je consacrerai mon temps à aider des gens qui souffrent de troubles alimentaires. Avec votre appui et votre soutien, la Fondation BOCA accomplira sa mission : contribuer concrètement à changer la vie de milliers de personnes.

Les épreuves que j’ai traversées n’auront pas été inutiles !